13 octobre 2012

Coulées

Auteur : Mahigan Lepage
Titre : Coulées
Éditeur : Mémoire d'encrier
Parution : 2012
Format : 98 pages



Résumé :

Coulée, un vieux mot français qui désigne un ravin, un creux entre les montagnes, où s'écoule une rivière. Mahigan Lepage nous offre un roman triptyque, où trois cours d'eau forment les axes principaux pour raconter son passage de l'enfance vers l'adolescence, puis l'âge adulte.

La rivière Patapédia, c'est la couleur rouge des racines, de la famille, de l'amour filial. La détresse d'un enfant qui voit son monde se briser avec le divorce de ses parents.

La rivière Outaouais, c'est la couleur noire de l'adolescence. La drogue, un avenir flou, la distance qui s'installe, murée dans le silence et l'incompréhension. C'est le pays du père.

Le fleuve Saint-Laurent, c'est la couleur bleue, l'horizon, l'espoir. Le retour vers le pays de la mère et le début des études littéraires.

Un roman à découvrir, qui plaira aux esprits nomades et contemplatifs.

Ce que j'ai aimé :

-Il y a des livres qui nous font voir des images. D'autres, qui nous accrochent par des émotions intenses. Mais celui-ci, il m'a séduite par son rythme, sa musicalité, montante puis descendante comme la traversée d'une multitude de petites collines. C'est un court récit, sobre et simple. Mais nous savons bien que sous l'apparence de la simplicité, il y a beaucoup de travail pour créer cette belle cohésion. Ce mouvement des mots, ces ondulations sonores, Mahigan Lepage les a d'abord explorées en poésie. Mais on les retrouve bien présents dans sa prose.

-C'est un roman d'impressions, quelque part entre le rêve et les souvenirs. L'auteur fait un lien entre le paysage et ses sentiments. Un environnement qui façonne sa cartographie intime. Des villes, des routes, des crevasses, des montagnes. C'est fugace, mais très beau. Comme le flot d'une rivière qui nous emporte.

-La tristesse d'un enfant, déchiré entre deux mondes, suite à la séparation de ses parents. C'est un grand choc pour lui. Il nous en parle dans ces mots :

« La séparation de mes parents allait opérer un réaiguillage des chemins. [...] Le territoire s'était renversé sur son axe cardinal ; il y avait eu fracture. »

-Ensuite, en Outaouais, c'est le spleen d'un adolescent contraint à l'immobilité, car il habite la campagne et ne peut se déplacer par lui-même. On s'approche du mal-être, mais jamais on ne s'enlise. Il y a toujours une migration, un prochain vallon vers autre chose. Puis, arrive le village du Bic et l'auto-stop, suivi de Montréal et la liberté de déplacement. L'autonomie, enfin.

-On suit le parcours de ce jeune homme vers la lumière. C'est raconté avec beaucoup de sagesse et d'espace pour le silence, la réflexion. Bref, je suis bien contente d'avoir fait ce voyage avec lui. Un coup de coeur pour ce livre et pour cet auteur qui a une voix superbe, voguant entre grandeur et recueillement.

Extraits favoris : 

« La liberté d'aller, simplement : voilà ce qui m'aura fait le plus cruellement défaut. D'un territoire à l'autre, ça n'aura été qu'autobus scolaires, véhicules des parents et autocars tristes. Alors même que les lieux de sédentarité n'étaient plus, que les familles et les communautés avaient éclaté, on n'avait pas donné aux enfants les moyens de cet éclatement. On avait été oubliés sur des parcelles de territoires insuffisantes et étroites, sur des fragments brisés du grand déliement planétaire. Quelque chose de grand avait explosé qui aurait dû nous emporter. Mais on avait été abandonnés sur des éclats, sans moyen de rejoindre le grand tout. »

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