11 juin 2013

Espaces

Auteur : Olivia Tapiero
Titre : Espaces
Éditeur : XYZ
Parution : 2012
Format : 127 pages


Résumé :

D'un pas vaporeux, une étudiante en littérature s'intègre dans les rangs d'une nouvelle université et d'une chambre à partager. Elle y rencontre sa colocataire et, sans dire un mot, apprivoise cette occupation discrète de l'espace, entre deux lits et deux corps incertains. Puis, un matin, elle découvre que cette fille sans nom s'est enlevée la vie. Ce choc cisaille le lien avec le seul être tangible qui lui servait de repère, malgré le silence qui les enveloppait. 

Pour ne pas se laisser engloutir sous le poids du vide, Lola partira en errance dans l'ampleur de la ville. Elle trouvera un refuge chez des gens, le temps de souffler un peu, et reviendra à multiples reprises vers cette chambre déserte, comme si elle traçait des ellipses dans la neige. Avec Espaces, Oliva Tapiero nous offre un roman à fleur de peau qui rend hommage à cette zone fragile entre les êtres, où tout se passe, sans se dire.

Ce que j'ai aimé :

-Le roman débute dans un milieu estudiantin, lors de la rentrée des classes. L'auteure, âgée de 22 ans et elle-même bachelière en littérature française, nous décrit un univers qu'elle semble connaître de l'intérieur, mais avec un niveau d'érudition et une maturité frappante.

-Lola, la narratrice, se promène dans les couloirs du campus et on sent, dès le départ, qu'elle n'est pas à sa place dans ce cadre formel. Elle désire plus des autres, des mots, sans arriver à se poser quelque part, sans parvenir à se laisser toucher par quiconque. Tout semble glisser sur les parois de cette bulle qu'elle a formée autour d'elle. Flottante, elle marche dans les rues de la ville, en dehors des murs de la faculté. Son rapport au monde se loge dans cette sensualité intemporelle : des gouttes de pluie sur son visage, un soleil éblouissant, l'odeur des feuilles d'automne.

-Ce texte, nimbé d'une certaine tristesse, est transcendé par la poésie. J'ai particulièrement aimé les moments qu'elle passe avec son professeur. C'est avec lui qu'elle dissout sa violence, dans cette recherche d'intimité traversée par l'absence et une tendresse infinie. Par la suite, elle sera recueillie par la peintre Thalie, qui crée des paysages et les efface la nuit tombée. Lola visitera ces lieux pour échapper au visage de la mort qui la hante. Des relais de chaleur qui s'effriteront tour à tour.

-En parcourant ce roman, j'ai eu envie d'accorder mes pas à l'écriture. J'étais à la table d'un café, en train de lire, puis intuitivement, je me suis levée. J'ai marché jusqu'au canal Lachine, tout près de là, et je me suis assise sur un banc. J'ai senti la rumeur de la ville au loin, le vague murmure des passants. Je me tenais là, sans y être vraiment, tout en absorbant une quantité de détails. C'était tout à fait ça, la pulpe de ce roman : des images fugaces entourées de blanc. Et c'était très beau.

Extraits favoris :

« J'aurais voulu avec ma paume faire fondre le verre et toucher la peau des morts, sentir mon coeur battre contre une chair inerte et trouver, sous le secret de paupières closes, en faisant taire le monde et ses métaux, trouver le souffle d'un univers. »

« Comme des enfants un soir de fête, nous restions malgré la lune dans un éveil fébrile, murmuré à travers la nuit brisée par le temps, quand les aiguilles tournaient par battements minuscules pour enfin se placer comme barrages entre nos corps, chaque minute, une transgression arrachée à sa vie dans la parenthèse de son appartement. »

8 commentaires:

  1. Voici un sujet sensible mais qui semble parfaitement maîtrisé. Tu me donnes envie d'y voir de plus près :)

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    1. Oui, tout à fait. Je pourrai te le prêter si tu veux ! :)

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  2. Je retrouve bien l'ambiance du roman dans ta critique. :)

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    1. Ah, il faut croire qu'elle m'a bien plu cette ambiance :) On ne l'oublie pas de sitôt !

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  3. Ce livre a l'air beau et triste...
    Je viens de recevoir (sur tes conseils) "Les carnets de Douglas"
    J'ai très envie de lire aussi "La maison des temps rompus".
    Se promener sur les blogs n'est pas économique !!

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    1. Je te souhaite une très belle lecture, Rose. Nous aurons l'occasion d'en discuter. En effet, ça peut faire mal au portefeuille, mais on s'enrichit d'échanges et de découvertes :)

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  4. J'ai beaucoup aimé ce roman. L'écriture est magnifique.

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    1. Oui, sublime cette jeune plume ! J'ai bien aimé lire ton billet, ainsi que l'histoire autour de ta rencontre avec l'auteure. Merci de ta visite, Argali :)

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