20 juillet 2013

Trio Suzanne Myre

J'ai poursuivi ma découverte de l'oeuvre de Suzanne Myre, avec la lecture de ses trois premiers recueils de nouvelles.

Au départ, j'avais en tête d'en lire qu'un seul, mais son humour mordant me procurant une agréable diversion de la canicule, j'ai dévoré le trio au complet.

En 2001, Suzanne Myre publiait ses premières nouvelles aux éditions Marchand de feuilles. Déjà, elle se démarque par son ironie et sa lucidité, qui lui valent le Grand Prix littéraire de Radio-Canada pour sa nouvelle E.T. phone home. En 2004, elle remportait le prix Adrienne-Choquette pour son recueil Nouvelles d'autres mères. Depuis, elle a concocté cinq recueils de nouvelles et un premier roman, Dans sa bulle, inspiré par son travail à l'hôpital Notre-Dame.


J'ai de mauvaises nouvelles pour vous, 2001 :

Dans son premier recueil de nouvelles, Suzanne Myre décortique les relations de couple, comme on écartèle les fines pattes d'une langoustine, en éclaboussant au passage le conventionnel et l'artificiel. Mon préféré de tous, ce recueil est certainement le plus vivant, sans être le plus resserré dans l'écriture.

Ces nouvelles dépeignent des déceptions amoureuses et des moments de tendresse avec son chat Boui-boui, l'homme le plus stable de sa vie. À l'aide de petites phrases jouissives et colorées, elle se joue des maladresses de cupidon. Elle a aussi un talent inné pour passer d'une situation rigolote à un état tragique ou attendrissant. J'ai adoré !

Extraits favoris :

« Maison de banlieue, trois étages. Petits arbustes bien taillés, fleurs sans surprise correctement alignées devant les petits arbustes bien taillés, gazon platement taillé autour de fleurs sans surprise. »

« J'aime mon chat. Il s'intéresse à tout. Assis sur le bord de la fenêtre, il regarde. Je le regarde regarder. Une araignée passe, un flocon de pollen, une feuille frémissante, sa branche qui fléchit. Le vent soulève une poussière, la poussière danse. Mon coeur remercie les yeux du chat. Je vois des choses. »


Nouvelles d'autres mères, 2003 :

Ce recueil est sans aucun doute le plus touchant. Il est traversé par une longue nouvelle, intitulée Le coeur percé, racontant le voyage d'une mère et de sa fille en Gaspésie. Un chemin entre la rivalité et la complicité, un tableau émouvant.

Suzanne Myre aborde également l'absence du père, un sujet très intime puisqu'elle n'a pas connu le sien. Le modèle masculin est remplacé par des hommes de passage, des voisins, des amants de sa mère. Bien sûr, le succulent sarcasme de la nouvelliste demeure au rendez-vous, mais il s'écoule en nuances, frôlant au passage la chevelure réconfortante et la voix familière d'une maman.

Extraits favoris :

« Depuis que papa est mort, maman est entourée d'hommes de toutes les espèces, comme un pommier est encerclé de touffes de menthe pour le protéger des insectes nuisibles. »

« Je n'ai pas dormi de la nuit. Quand ça fait des années qu'on a quitté la maison maternelle, dormir à côté de sa mère est angoissant. J'avais l'impression de régresser. Surtout au moment du bisou-bonne-nuit. »


Humains aigre-doux, 2004 :

Des récits bien fignolés, en forme de casse-tête chinois, où nous retrouvons certains personnages imbriqués dans d'autres nouvelles. L'auteure s'attaque ici à la superficialité et aux effets de mode. Tout y passe : les sushis, les colorations tendance, les cabanons format géant.

Ce recueil est vraiment savoureux et original. Nous avons droit à une rupture amoureuse élaborée à travers des cartes postales, à un coiffeur fantasmant sur les oreilles de ses clients, et à un perroquet fugitif tout simplement adorable. Encore une fois, j'ai pouffé de rire à voix haute, mais le propos m'a surtout rejointe par son appel au naturel, à la simplicité et aux relations humaines sincères. C'est en grande partie pourquoi j'aime Suzanne Myre, cette charmante tornade.

Extraits favoris :

« Tu vois, j'aime bien laisser la nature faire les choses, décider de mon sort, en tout cas pour ce qui est d'un truc aussi peu crucial qu'une couleur de cheveux. »

« J'essaie de développer ces vertus qui me font défaut depuis le jour de ma naissance : le tact, la diplomatie, le je-me-retiens-bien, qualités essentielles aux bonnes relations. Je mets ces valeurs en pratique dans mes amitiés, et j'essaie de les transférer dans mes relations amoureuses, ce qui ne marche jamais, ma spontanéité trouvant toujours un espace, aussi infime soit-il, pour reprendre ses droits. »

Lettre M pour le challenge ABC Babelio


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